Séquence ITS obtenue. Identité à confimer.
= Russula aquosa ss. Lamoureux in Després et collab. (2002)
= Russula aquosa ss. Shaffer p. p.
= Russula grisescens
YL4259 (fongarium personnel).
Saint-Côme (Lanaudière), 1er septembre 2013.
Habitat: au sol ou sur le bois pourri, en terrain très humide, parfois parmi les sphaignes, dans une sapinière à bouleau, en présence d’épinettes et de thuyas.
Cette petite russule rose-rouge et souvent décolorée compte parmi les russules très communes au Québec, du moins dans son habitat: les forêts de conifères ou mixtes en terrain humide: sapinière à bouleau de bord de lac ou de rivière, pessière sphagneuse en montagne, prucheraie à bouleau jaune mal drainée, et analogues.
En 2006 (sept ans auparavant), j'avais récoltée cette espèce exactement au même endroit en compagnie de Bart Buyck, expert du genre Russula. Bart en a fait une collection pour étudier son ADN. Bart affirmait que cette espèce ne pouvait pas être “aquosa”, du moins au sens original, nom que nous lui donnions dans les années 80. Toutefois, Bart ne voulait pas suggérer de nom à ce moment.
Peu après, j’ai tenté de lui trouver un autre nom. Que ce soit dans Knudsen et Vesterholt (2008) ou dans Bon (1988), etc., les clés “récentes” mènent toujours à Russula grisescens (= R. hydrophila). La raison: dans les clés des Emeticinae d'Europe (“groupe emetica”), il faut choisir entre les espèces à chapeau rouge, sans teinte de violet ou de pourpre, ou celles à chapeau parfois pourprée. Il faut choisir les “pourprées-violacées” pour parvenir à R. aquosa ss. str. Mais "notre aquosa" n'est jamais ainsi colorée.
Comme la clé des Emeticinae de Shaffer (1975) conduit sans hésitation à R. aquosa pour notre espèce, il faut préciser que nous utilisons ce nom au sens de Shaffer. Par ailleurs, Shaffer décrit une palette de couleurs bien trop large pour l'«aquosa américaine», mais il a été le premier à bien ressortir le côté graisseux-collant-cireux du chapeau. Alors même s'il débute la description de la couleur par “brownish…", pour une russule avant tout rose-rouge avant de se décolorer, il ne peut s'agir que de l'espèce ci-dessus.
Même si nous avons utilisé tour à tour pour celle-ci les noms Russula grisescens et R. hydrophila, R. aquosa ss. Shaffer reste le seul taxon qui s'applique assurément à notre petite Emeticinae commune et peu âcre dans forêts humides de conifères.
NOTES DE RÉCOLTE
Macroscopie:
- Basidiome particulièrement mou et fragile.
- Chapeau viscidule puis graisseux-collant, voire cireux, rose-rouge, vite décoloré, devenant crème ou jaunâtre à partir du centre, parfois presque entièrement crème et peine rosé au pourtour; le chapeau non seché adhère toujours au papier ciré.
- Cuticule piléique entièrement détachable.
- Saveur nettement piquante, mais modérément (pas brûlante comme chez R. emetica et R. fragilis ss. Shaffer).
- Lames serrées, grisâtre pâle dans la vétusté; arêtes entières (observées avec une loupe grossissant 20 fois).
- Pied court, fragile, creux à maturité, blanc; grisonnant un peu dans la vétusté si le pied se trouve parmi les sphaignes et lorsqu'on le fait tremper dans l'eau (pour obtenir une sporée), particulièrement chez les exemplaires matures. Le grisonnement n'est jamais aussi marqué que chez les Decolorantinae (p. ex. R. decolorans s. l. et R. citrinolutea ined.).
- Odeur nulle.
- Sporée blanc pur (A).
Microscopie:
- Revêtement piléique: un trichoderme gélifié composé de nombreuses et longues pilocystides, noires dans la sulfovanilline (SV+), (0-) 1 (-2) septées, à cellule terminale clavée, de 7-10 µm de largeur. Présence d’abondantes hyphes hyalines dans la SV, étroites, dressées, non fourchues, de 2-3 (-4) µm de largeur, à bout arrondi.
- Spores: (7,5-) 8-8,8 x (6,5-) 6,8 µm (presque toujours de 6,8 µm de largeur), ornées d’épines (verrues coniques) de 0,5-0,75 µm de hauteur, connexées à cristulées, sans réticulum (même partiel).
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CONCLUSION
Russula aquosa telle que décrite dans les ouvrages récents en Europe ne correspond à cette espèce, d'où le "ss. Shaffer". En Europe, les photos de R. aquosa illustre une espèce qui ressemble à R. nigrodisca Peck, de toute évidence un synonyme de R. fragilis ss. Shaffer. C'est aussi ce qu'indique Shaffer lui-même (1975).
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RÉFÉRENCES ET OUVRAGES CONSULTÉS
BON, M., 1988. «Clé monographique des russules d'Europe.» Doc. Mycol., 18: 1-120.
BUYCK, B., 2006. Comm. orale, extrait d'une discussion sur les Emeticinae dans le fongarium YL/CMM.
BURLINGHAM, G. S., 1915. «Russula.» North Amer. Flora, 9: 201-236.
DESPRÉS, J., Y. LAMOUREUX, R. BOYER, R. ARCHAMBAULT et A. JEAN. 2002. «Mille et un champignons du Québec.» [document électronique]. Montréal, Cercle des mycologues de Montréal, cédérom.
GALLI, R., 1996. «Le Russule.» Edinatura, Milano.
KAUFFMAN, C. H., 1972 (2e impression). «The gilled mushrooms (Agaricaceae) of Michigan and the Great Lakes region.» Dover, New York. (En 2 vol.)
KIBBY, G. & R. FATTO, 1990. «Keys to the species of Russula in northeastern North America.» Kibby-Fatto Enterprises, Somerville.
KNUDSEN, R. & J. VESTERHOLT (Éd.), 2008. «Funga nordica. Agaricoid, boletoid and cyphelloid genera». Nordswamp, Copenhagen.
KRÄNZLIN, F., 2005. «Champignons de Suisse. Tome 6. Russulaceae. Lactaires, russules.» Mykologia, Lucerne.
MARSTAD, P., 2004. «Russula in the Nordic countries.» Publié par l'auteur, Tønsberg.
ROMAGNESI, H., 1967. «Les russules d'Europe et d'Afrique du Nord.» Bordas, Paris.
SARNARI, M., 1998. «Monographia illustrata del genere Russula in Europa.» Tomo Primo. Associazione Mycologici Bresadola, Trento.
SHAFFER, R. L., 1975. «Some common North American species of Russula subsect. Emeticinae.» Beih. Nova Hedwigia, 51: 207-237.
SINGER, R., 1957. «New and interesting species of Basidiomycetes V. Descriptions of Russulae.» Sydowia, 11: 141-272.
YL