Le prieuré Sainte-Marie de Serrabona (ou Serrabone), fondé au début du XIe siècle, est situé en altitude sur la commune de Boule-d'Amont.
Son portail Nord, les chapiteaux de son cloître et une très rare tribune en marbre, datée du XIIe siècle forment le plus bel ensemble de sculpture romane du Roussillon .
L'église est classée au titre des monuments historiques depuis 1875. Plusieurs objets sont référencés dans la base Palissy (voir les notices liées). La plus ancienne mention du lieu remonte à 1069, date à laquelle une église paroissiale dédiée à la Vierge est citée. Le vicomte de Cerdagne et de Conflent et ses proches, seigneurs de Corsavy installent et dotent un groupe de religieux suivant la règle de saint Augustin, composé de chanoines et de chanoinesses. Ces religieux ont la charge du service paroissial dans cette montagne qui, à cette époque, est habitée, nourricière et protectrice. Treize ans plus tard, en 1082, ils élisent un prieur sur un fond d'opposition entre autorités religieuses et pouvoir des comtes et des vicomtes que la réforme grégorienne cherche à déposséder de leur fonctions religieuses.
L'église est construite en deux temps. La nef étroite bâtie en moellons allongés voûtée en berceau correspond à la première construction. L'église est ensuite agrandie en lui ajoutant un clocher, un collatéral nord, un transept muni d'absidioles et un chevet semi-circulaire. Sont également ajoutés les bâtiments monastiques: flanquant la nef au sud le cloître, à une seule galerie en raison du rocher abrupt, donne accès à l'ouest à une construction massive à trois niveaux qui constitue le monastère dont le chapitre est mixte5. Ces grands travaux sont rendus possibles par les récentes dotations dont bénéficie le prieuré. La nouvelle collégiale est consacrée le 25 octobre 1151 par Artal, évêque d'Elne, accompagné de Bernard Sanche, évêque d'Urgell, et des abbés de Saint-Michel de Cuxa et Sainte-Marie d'Arles-sur-Tech sous le nom de Santa Maria de Serrabona. L'acte rapportant cette consécration indique que l'agrandissement de l'église a été fait par le prieur Pierre Bernard et les habitants de Serrabone. La date de construction de la tribune a fait l'objet d'un débat entre historiens de l'art. L'importance et la qualité de son décor sculpté par rapport au caractère fruste de l'architecture de l'église ont fait supposer à Christiane Fabre et Marcel Robin que cette tribune avait été transportée à Serrabona au début du XIXe siècle. Marcel Durliat démontre dans un article sur le prieuré, en comparant avec une tribune du XIIIe siècle encore existante (Abbaye de Vezzolano) et en analysant les modifications faites dans l'architecture de l'église pour permettre son installation, qu'elle a été construite pour cette église au moment de son agrandissement. Depuis les années 1970 un consensus confirme que la tribune est bien construite pour le prieuré, qu'elle n'a pas changé d'emplacement, sa datation serait postérieure de peu de celle de Saint-Michel de Cuxa et proche de la consécration de 1151.
L'apogée du prieuré est de courte durée: les troubles commencent aux XIIIe et XIVe siècles avec l'individualisme croissant des chanoines (maisons privatives au lieu de partager les lieux de la vie commune comme le stipule la règle). La décadence devient alors inéluctable et atteint un tel degré au cours du XVIe siècle que le pape sécularise alors le prieuré, comme tous ceux rattachés à la règle de Saint Augustin en Espagne, en 1593. Le prieuré est alors rattaché à la Cathédrale de Solsona avec tous ses bénéfices. Le dernier prieur Jaume Serra meurt en 1612, le prieuré perd son statut de Collégiale, il devient une simple église paroissiale et tombe lentement dans l'abandon et l'oubli. Des textes signalent que des bergers et leurs troupeaux se réfugient occasionnellement dans le cloître ou l'église. Ce n'est qu'en 1894 que le chapitre de Solsona revend l'ancien prieuré.
En 1789 deux murs sont construits pour soutenir la voûte, un à quelques mètres devant la tribune et un au-dessus qui utilise des éléments de la balustrade. Ils mettent en boite la tribune, la protégeant au XIXe, mais ils n'empêchent pas l'effondrement en 1819 de la partie occidentale de l'église, minée par les intempéries. Une maison pour le fermier est construite dans la partie effondrée et un grenier à foin est aménagé au-dessus de la tribune. La rangée intérieure de colonnes et chapiteaux du cloître est démontée afin de constituer un retable dans l'abside pour éviter la mise en vente de ces chapiteaux par le chapitre de Solsona8. La commune de Serrabone, trop pauvre et dépeuplée, est supprimée en 1822. Le prieuré est visité par Prosper Mérimée en 1834 mais il n'apprécie pas les chapiteaux romans de la galerie méridionale qu'il n'aperçoit qu'à la lueur d'une torche par le passage du collatéral nord. Une première campagne de restauration de l'église est entreprise en 1836. Le prieuré de Serrabona est classé au titre des monuments historiques en 1875. Devenu la propriété de Henri Jonquères d’Oriola, des travaux de restauration sont entrepris dès 1906 en commençant par la toiture du clocher, la restauration se poursuit tout au long du XXe siècle. La tribune-jubé en marbre rose est dégagée entre 1920 et 1922 puis en 1950 mais les éléments réutilisés de la tribune sont mal préservés voir dispersés ou volés. En 1956 le département des Pyrénées-Orientales fait l'acquisition du site, le conseil général puis départemental en assure depuis la gestion.
Sylvain Stym-Popper rend à l’église du prieuré ses dimensions d’origine en reconstruisant la partie effondrée. Il reconstitue la façade occidentale(1969). En 1978 un incendie menace le prieuré, pour protéger cet espace naturel des mesures de sensibilisation et de protection sont prises. En 1981, le territoire autour de ce haut-lieu de l'art roman est protégé. Décidé en 2011, l'anastylose de la balustrade de la tribune à partir des fragments conservés ou retrouvés est achevée en 2014 permettant sa présentation au public. L'église actuelle est formée par la nef de l'église antérieure (celle de la mention de 1069), à laquelle est adjoint un clocher carré prolongé par un collatéral nord, un transept avec deux absidioles non saillantes à l'extérieur et une abside centrale semi-circulaire lors des travaux d'agrandissement du XIIe siècle. Au sud pas de collatéral mais une galerie de cloître conduit à l'ouest aux bâtiments du monastère. C'est cet édifice, consacré en 1151, que l'on peut voir aujourd'hui. Cependant, toute la partie occidentale, effondrée au début du XIXe siècle, a été refaite dans les années 1960. La façade occidentale est alors dotée d'une large baie. Les murs en schiste local utilisent un appareil avec des pierres posées de chant bien ajustées dont l'aspect est plus impressionnant, au-dessous plusieurs des murs sont appareillés en opus spicatum.
Les deux vaisseaux communiquent entre eux par deux arcades percées dans le mur les séparant (mur faisant partie de l'édifice du XIe siècle) dans la partie de la nef réservée aux laïcs. La nef est voûtée en berceau brisé, le collatéral nord en demi-berceau. Les trois absides sont voûtées en cul-de-four.
La longueur interne est de 24,50 m, celle du transept de 14,70 m et la hauteur de la nef 10,70 m. L'épaisseur du mur de la nef est de 1,50 m et il n'y a pas de contrefort.
Il reste peu de choses de la décoration intérieure peinte si ce n'est le reste d'une fresque du XIIe sur le mur sud de la nef, fragment d'une descente de croix et d'une possible nativité et des traces de polychromie en particulier sur l'intrados et les voussoirs de la fenêtre de l'abside. Cette fenêtre, juste au-dessus de l'autel principal est ornée d'une archivolte de section circulaire reposant sur deux chapiteaux et colonnes en marbre de villefranche. L'ensemble sculpté, de même facture que la tribune, n'a, comme les arcs de celle-ci, aucun rôle architectural18. Une croix de consécration est visible sur le mur sous la tribune.
La visite de l'église permet d'admirer une grande cuve baptismale monolithique en marbre rose à l'extrémité est du collatéral nord et un bénitier octogonal en marbre près du mur de la tribune côté chœur.