Ensemble d'églises romanes Santo Stefano ; commune de Bologna, province de Bologne, région d'Emilie-Romagne, Italie
Saint-Étienne qui, à l'époque paléochrétienne, se trouvait hors les murs, est maintenant au plein centre de la ville, à moins de 300 m du carrefour des Torri Pendenti (tours penchées). La rue Santo Stefano est l'une des plus grandes artères urbaines, conduisant à l'angle Sud-Ouest des murailles du xvie siècle; peu après son départ, la rue s'élargit en une place triangulaire sur laquelle donne le monastère ainsi que la façade des trois églises qui lui sont adjointes. La plus marquante est celle du Crucifix, par où l'on accède actuellement à l'ensemble de Saint-Étienne et où commence la visite. ... La façade à deux rampants a des proportions proches du carré; elle est divisée en trois par deux paires de contreforts, deux aux angles, et deux médians adossés au mur. La division en trois est purement décorative et ne correspond pas à une division analogue à l'intérieur, fait d'une seule salle. Le portail a un encadrement en brique et est surmonté d'un pignon. A mi-hauteur s'ouvre une rangée de quatre fenêtres simples à l'arc brisé; plus haut, au milieu, un oculus à la bordure de brique. La corniche sous l'égout du toit est soulignée d'une frise d'arceaux. Sur l'arête de gauche enfin se greffe une chaire cylindrique, petit balcon d'angle arrondi qui frappe la vue dès l'abord, note coquette reconnais sable de loin; elle se développe sur trois quarts de cercle de la façade à la face latérale, et elle est supportée par trois consoles que quatre arcs raccordent entre elles et avec les murs. A l'arrière de l'église, à une distance approximativement égale aux deux tiers de sa longueur, domine une masse volumineuse et bien visible presque deux fois plus haute : c'est le sanctuaire surélevé en 1637, début d'un agrandissement plus étendu qui était destiné à se poursuivre encore, comme le révèle la façade inachevée. Derrière la surélévation, le long du flanc droit (méridional) de la nef, s'élève le clocher roman de section carrée, avec des pilastres d'angle en saillie et une étroite lésène au milieu de chaque face, sans ouverture, sauf celle de l'étage campanaire. Partant de l'angle de gauche de la façade, une clôture délimite l'espace herbeux triangulaire (inaccessible, mais visible) sur lequel donne l'église octogonale et la petite basilique des saints Vital et Agricol. Son niveau est encore plus bas que celui du parvis dallé de l'église du Crucifix. ... La rotonde du Calvaire (jadis Saint-Étienne) est bien visible dans sa géométrie rigoureuse : prisme octogonal sur lequel s'élève le corps dodécagonal qui abrite la coupole. Trois côtés de l'octogone donnent sur le parvis herbeux; celui du milieu joue le rôle de façade et contient le portail (la Porte sainte dans la symbolique de Jérusalem) entouré d'une bordure à trois moulures ; au-dessus s'ouvre une fenêtre double. Cette façade est animée par trois arcs aveugles sur consoles de pierre, qui se retrouvent (deux de chaque côté) sur les deux autres faces visibles. Le parement, dans tout le registre inférieur qui comprend les arcs aveugles, est enrichi d'un jeu de couleur par de larges assises en pierre (plus semblables à des bandeaux encastrés qu'à de véritables blocs portants) alternant avec de minces assises de brique. Un grand nombre d'autres pierres encastrées composent un décor géométrique simple et vivant sous les arcs aveugles et dans les écoinçons; on y reconnaît de nombreux fragments de marbres antiques, paléochrétiens ou byzantins, encastrés au hasard mais gardant le même pouvoir évocateur. En particulier, il vaut la peine de remarquer la corniche aux belles volutes de feuillage qui sert de limite d'étage au-dessus des arcs aveugles, et la fausse fenêtre à gauche du portail, composée de cinq paires de plaques de marbre avec de beaux reliefs d'entrelacs. Le décor qui couronne l'octogone sous l'égout du toit se compose d'une frise d'arceaux entrecroisés, surmontée d'une corniche en dents d'engrenage. Plus singulière est la corniche qui couronne la tour à douze pans sous l'égout du toit, dont les arceaux sont en mitre. Le parement de cette tour est fort intéressant car il est fait de briques carrées placées en diagonale comme dans F« opus reticulatum » des Romains. De tout l'ensemble, c'est l'extérieur de la rotonde du Calvaire qui conserve le mieux son aspect d'authentique ancienneté, surtout si on le compare aux deux façades qui la flanquent où l'œuvre des restaurateurs est bien plus apparente. La basilique des saints Vital et Agricol est adjacente à la rotonde du Calvaire, sa façade se greffant à l'une des arêtes de l'octogone, c'est-à-dire dans un plan vertical plus en arrière. La façade apparaît comme une œuvre de totale reconstruction plutôt que de restauration. ... Décrivons brièvement la façade actuelle, pour demeurer un chroniqueur fidèle, tout en ne croyant guère à sa valeur en tant que document d'architecture médiévale. Elle présente une silhouette à rampants interrompus et est divisée en trois par deux paires de contreforts à section triangulaire en forte saillie. Le long des rampants, sous l'égout du toit, court une corniche trop haute, soulignée par des arceaux. Dans le pignon est encastrée une « croix de Malte » en pierre, sans style ; au-dessous s'ouvre une petite fenêtre double. Il existe un unique portail central, tandis que dans chacun des panneaux latéraux se trouve une fenêtre simple. Dans le flanc Nord, scandé du même type de contreforts triangulaires qu'en façade, s'ouvre un second portail. Les sculptures sont incontestablement les éléments les plus intéressants à l'extérieur de notre basilique : celles des deux portails - pièces authentiques en soi, même si les portails paraissent avoir été remontés de façon assez arbitraire - et une plaque encastrée au centre de la façade entre le portail et la fenêtre double. La plaque représente un Christ bénissant qui tient une croix processionnelle, flanquée des deux protomartyrs bolonais, comme le précisent leurs noms gravés : s. vitalis et s. agricola. Sur le portail de façade, notons une archivolte sculptée de rinceaux insérée à l'intérieur d'une baie plus large (dont on a dû rétrécir l'ouverture) et deux chapiteaux figuratifs surmontés d'un tailloir de feuillage. Les figures représentent, de gauche à droite : un génie nu qui chevauche un dragon à deux têtes; la Visitation; un ensemble de douze petites têtes groupées trois par trois les unes au-dessus des autres (les Saints Innocents du massacre d'Hérode ?); un griffon monté en croupe sur un autre animal plus petit. Sur le portail latéral, nous trouvons une autre paire de chapiteaux de type et de formes semblables (prisme plus cylindrique) sculptés pour coiffer des piédroits rectangulaires flanqués d'une colonnette sur le côté interne. Les figures, toujours vues de gauche à droite, sont : un lion dressé sur ses pieds qui pose la patte sur l'épaule d'une femme; on ne sait s'il s'agit d'une agression ou s'il lui parle à l'oreille. La femme s'appuie sur les branches d'un arbre ; à ses pieds est posée une tête humaine. Vient ensuite un personnage, les bras croisés, qui est, dirait-on, un clerc en prière, mais on peut sans doute l'interpréter comme la Vierge de l'Annonciation, étant donné que, sur le chapiteau opposé, on voit un ange, peut-être Gabriel. Puis apparaissent une sirène à double queue et un oiseau aux ailes repliées. Sous la partie cylindrique de l'un et l'autre chapiteaux sont insérés deux petits chapiteaux de feuillage de type byzantin, probablement hors de leur place. Toutes ces sculptures sont de facture grossière et d'un style barbare, les plis raides et les visages inexpressifs. Elles sont cependant intéressantes en raison de l'interprétation que l'on peut donner des thèmes représentés ; ce sont, de toute façon, des œuvres attribuables à la reconstruction romane de la basilique vers la fin du XIe siècle. ...
Eglise du Crucifix
L'église par laquelle on commence est chronologiquement la plus tardive des trois, ... Elle portait à l'origine le nom de Saint-Jean-Baptiste puis celui de la Madeleine, puis celui du Crucifix, selon les exigences changeantes de la nouvelle Jérusalem. L'intérieur se compose de trois parties distinctes -nef, crypte, sanctuaire - comptées comme trois églises à des fins de dévotion pour arriver au nombre sacré de sept.
La nef, que l'on préférerait appeler une salle, est un grand espace rectangulaire couvert d'une charpente apparente; sur les murs blanchis à la chaux se profilent de hauts pilastres en maçonnerie qui reçoivent les arcs aveugles. Le tout est manifestement dû à la restauration, ou mieux à la reconstruction, et nous devons donc considérer comme authentiques les seules maçonneries externes et les dimensions. Cette salle sert comme de parterre à l'ensemble crypte-sanctuaire qui s'ouvre à la façon d'une scène de théâtre au-delà d'une arcature sur le mur du fond. Au bas de ce mur se trouvent cinq arcades, les deux extrêmes aveugles et les trois autres ouvertes sur l'escalier qui descend à la crypte. Au milieu un large escalier monte au sanctuaire. ... Du sanctuaire, construction entièrement baroque, on vante la luminosité et le caractère grandiose. Revenant à notre domaine, examinons la crypte qui est la partie la plus intéressante. Selon Montorsi, elle fut construite en 1019 par l'abbé Martin pour servir de nouveau sanctuaire aux reliques des protomartyrs, transférées de la basilique primitive dédiée maintenant à saint Isidore. Elle a un plan à peu près carré et ses voûtes soutenues par seize supports, quatre rangées de quatre. Les quatre de la première rangée sont des piliers composés qui reçoivent les arcs d'entrée; les douze autres - sauf une - sont de belles colonnes de marbre rouge de Vérone aux chapiteaux intéressants, certains de feuillage, l'un figuré, d'autres cubiques; la dernière rangée vers le fond a des chapiteaux Renaissance de l'ordre dorique. Une singularité difficile à expliquer est la présence en première position à droite de la seconde rangée d'un gros pilier de section quadrilobée, en brique (le « sauf un » signalé plus haut) qui contraste vivement avec les fines colonnes. Une fois revenus dans la nef-salle, une porte dans le mur de gauche nous donne accès à l'église du Calvaire.
Eglise du Calvaire
C'est la rotonde jadis dédiée à saint Etienne, appelée aussi du Saint-Sépulcre, c'est-à-dire l'ех-baptistère byzantin; à la place de la vasque baptismale se trouve - décentré cependant un peu vers l'Ouest - le mausolée de saint Pétrone qui tient lieu du sépulcre du Christ dans le symbolisme de la nouvelle Jérusalem. Lorsque l'on compare l'aspect actuel avec les photographies anciennes, on n'a pas envie, cette fois, de blâmer les restaurateurs qui ont supprimé les fresques maniérées du début du XIXe siècle aux murs et à la coupole. Nous savons que celles-ci, par contre, ont causé la perte d'anciennes fresques byzantines; de toute façon, la remise au jour de la maçonnerie nue en brique et la suppression de la clôture Renaissance placée entre les colonnes a restitué à ce noble monument de plan centré une grande partie de sa dignité. Unique note discordante : l'architecture du mausolée, hypertrophique et alourdie par une stupide balustrade à colonnes très rapprochées. L'architecture de la rotonde de Saint-Étienne dans sa forme actuelle est assignable à la seconde moitié du XIIe siècle, fruit d'une reconstruction radicale après le tremblement de terre de 1117. ... La rotonde de Saint-Étienne est faite d'une structure centrale de douze supports situés à égale distance sur une circonférence, recevant autant d'arcs en plein cintre, structure enfermée dans une maçonnerie extérieure octogonale. L'anneau compris entre l'octogone et le cercle est couvert de voûtes d'arêtes toutes de formes et de dimensions fort irrégulières, soit en raison de la nécessité d'adapter le dodécagone à l'octogone, soit du fait de l'irrégularité de l'octogone lui-même. Celle-ci est particulièrement évidente dans l'angle Nord-Est où se vérifie l'éloignement maximum entre le mur extérieur et la structure centrale, et une colonne isolée y est placée pour servir d'appui intermédiaire. ... Au-dessus de l'anneau périphérique se déploie une tribune annulaire qui donne sur l'espace central. Les douze supports sont constitués de sept paires de colonnes accouplées l'une en marbre et l'autre en brique, et de cinq piles rondes ou, si l'on veut, de colonnes plus grosses, toujours en brique. Cette bizarrerie s'explique facilement en admettant que les colonnes en marbre ont été reprises d'une version précédente de la rotonde où le corps central ... reposait sur huit piliers au lieu de douze. Dans la reconstruction après le tremblement de terre, le plan fut agrandi, la hauteur augmentée et l'on ajouta une tribune. Il fut donc nécessaire d'augmenter aussi bien le nombre des supports que leur section. Sept des huit colonnes originelles furent remployées dans la couronne mais la section portante étant devenue insuffisante, celle-ci fut doublée en flanquant chaque colonne d'une autre en brique de même dimension. La huitième colonne est la colonne isolée dite de la Flagellation. Au-dessus des arcs de la couronne s'élève un prisme dont les douze pans sont percés d'autant de fenêtres doubles communiquant avec la tribune, et séparées entre elles par de fines demi-colonnes en brique adossées aux arêtes. Ces demi-colonnes prennent appui sur le bord supérieur des chapiteaux des supports principaux et se terminent dans le haut par leurs propres chapiteaux qui reçoivent une corniche d'arceaux entrecroisés. Au-dessus de cette corniche démarre la coupole où nous suivons parfaitement sur la brique nue le raccordement progressif du dodécagone à la calotte sphérique. Abordons maintenant le mausolée de saint Pétrone, singulière construction en forme de chaire avec un escalier qui monte en s'enroulant autour d'elle sur les côtés; la chaire se termine par une plate-forme entourée d'une balustrade à colonnettes. Trois hauts-reliefs sont encastrés dans la face antérieure divisée par des colonnettes de marbre et surmontée d'un arc trilobé. Dans le bas, un emmarchement octogonal à trois degrés occupe le centre du pavement et à son niveau s'ouvre dans la chaire une petite fenestella d'accès aux reliques du saint. Sur le flanc gauche de la chaire se greffe, à la façon d'une prolongation et à une hauteur moindre, un ambon avec deux hauts-reliefs sur les faces visibles. Cet encombrant monument trouble - par sa masse excessive et son décor surabondant - l'harmonieuse architecture de la rotonde. Les parties sculptées présentent cependant un grand intérêt. Les deux hauts-reliefs de l'ambon portent les symboles des évangélistes : le taureau et l'aigle sur la face antérieure, l'ange et le lion sur la face latérale. Ce sont d'excellentes œuvres en stuc (mais à première vue on les prendrait pour du marbre) de la première moitié du XIIe siècle; d'après Montorsi, leur premier emplacement aurait été dans la basilique Saint-Vital. Les trois reliefs sur le devant de la chaire sont, par contre, des stucs du XIVe siècle qui représentent les Saintes Femmes au tombeau : à gauche les trois Maries, à droite les gardes endormis, au milieu l'ange assis sur le tombeau vide qui annonce la Résurrection. Les chapiteaux des supports principaux sont sobres et sans sculpture; ceux des fenêtres doubles de la tribune et des demi-colonnes d'angle du dodécagone sont plus élaborés et plus élégants. Dans le côté Nord de la rotonde, s'ouvre - à travers un mur d'une épaisseur exceptionnelle (plus de 2 m) - l'accès à la troisième église, c'est-à-dire à la petite basilique Saint-Vital. Remarquons en passant que la forte épaisseur du mur est la somme des deux murs distincts soudés plus tard en un seul.
Basilique des Saints Vital et Agricol
C'est la plus ancienne des trois églises. Comme on l'a dit, elle fut fondée à la fin du IVe siècle par saint Ambroise, ou au siècle suivant par saint Pétrone; elle fut plusieurs fois reconstruite, et ne trouva sa forme définitive qu'à la fin du XIIe siècle, après le tremblement de terre (Porter l'assigne à 1195). On en a déjà vu l'extérieur, où la main des restaurateurs se révèle particulièrement lourde. Par contre, l'intérieur est le mieux conservé de tout l'ensemble monumental, celui où les lignes romanes du XIIe siècle semblent les moins remaniées. La maçonnerie en brique apparente, les pavés du sol, la pierre des colonnes et des arcs révèlent toute leur ancienneté. Les voûtes sont couvertes d'un enduit neutre et discret. De gros cercles de fer semblables à des cicatrices entourent certaines colonnes, fissurées par les tremblements de terre ou par le poids des siècles; et la présence de pièces sculptées remployées, romanes ou byzantines, témoigne des vicissitudes de la basilique primitive. Le mobilier se limite à l'autel et aux sarcophages des saints titulaires, un dans chacune des absidioles. Le plan de la basilique est à trois nefs et trois absides, avec des travées en système alterné (c'est-à-dire d'amplitude double dans la nef centrale) couvertes de voûtes d'arêtes. Les travées sont au nombre de cinq dans les nefs latérales et de trois dans la nef centrale ; les supports sont des paires de piliers composés en brique alternant avec des paires de colonnes en pierre. Les piliers, de section quadrilobée, ont des chapiteaux cubiques en pierre dont la partie arrondie présente une forme spéciale qu'on retrouvera sur les piliers de la cour; les colonnes sont romaines pour la plupart, et les chapiteaux se révèlent aussi de remploi. Le chapiteau ionique de la dernière colonne de droite avant l'abside est nettement romain. D'autres fragments de marbres romains et byzantins sont utilisés dans les consoles des nefs latérales, dans les impostes de l'entrée de l'abside centrale et parfois ailleurs encore. ...
Cour de Pilate
Après être rentrés dans la rotonde, on sort par le côté Est dans le petit cloître dit cour de Pilate. Celui-ci occupe une position centrale dans l'ensemble monumental, étant adjacent au moins en partie à chacune des quatre églises et au grand cloître. Il a une forme rectangulaire. Les deux grands côtés sont à portique, les deux autres sont occupés à l'Ouest par la rotonde du Calvaire, sur trois des côtés de son octogone, à l'Est par la façade de l'église de la Trinité. Le sol est empierré. Les portiques sur les deux grands côtés se composent de vastes arcs de pierre en plein cintre retombant sur des piliers en brique de section quadrilobée; les chapiteaux en pierre sont cubiques, avec des lobes saillants et un évidement dans la partie chanfreinée, comme ceux de la basilique Saint-Vital. Dans le bas, les piliers se terminent par une doucine renversée et reposent sur de robustes socles carrés. La maçonnerie en brique au-dessus des arcs est scandée de pilastres en forte saillie qui reçoivent la corniche d'arceaux placée sous l'égout du toit. Les travées du portique sont délimitées par des arcs transversaux et couvertes de voûtes d'arêtes. Tout l'ensemble est bien proportionné et solidement construit dans la meilleure tradition romane (on pense à première vue au quadruple portique de Saint-Ambroise à Milan). Sous les portiques sont encastrées diverses inscriptions lapidaires et pierres tombales et s'ouvrent de nombreuses portes. Du côté Sud, on voit la face latérale surélevée de l'église du Crucifix et d'autres chapelles ; et au-delà surgit le clocher. L'octogone du Calvaire présente du côté de la cour une maçonnerie analogue à celle déjà vue à l'extérieur mais beaucoup plus élaborée, dans le style de Ravenne, semblable à celle de l'abbaye de Pomposa. Le décor se caractérise par des figures géométriques simples et par des oppositions de couleur, grâce à l'emploi judicieux du marbre, du grès et de la brique. Ce décor se présente sous la forme de larges bandes superposées qui, dans le haut, cèdent la place à la brique seule. La bande située sous l'égout du toit est celle que l'on a déjà vue de l'autre côté, corniche d'arceaux entrecroisés (tandis que les arceaux dans le haut des portiques sont simples). Le corps à douze pans ne présente pas non plus de différence sur ce côté par rapport à celui qu'on voit de l'extérieur.
Du côté Est apparaît la façade de l'église de la Trinité (qui, selon Porter, fut pendant un temps un bâtiment ouvert où le portique se prolongeait sur deux autres travées). Cette façade tout entière est une reconstitution de la fin du xixe siècle dans le style byzantin, et l'on doit donc la considérer comme étant en soi une œuvre composite. Par contre, le portail mérite qu'on s'y intéresse; encadré de piédroits et d'une archivolte élégamment sculptés de rinceaux, c'est une œuvre de la fin du xne siècle provenant d'une autre partie de l'ensemble monumental et placée ici par les restaurateurs. ...
Eglise de la Trinité
Cette quatrième église de l'ensemble monumental, jadis appelée de la Sainte-Croix, est, par certains côtés, la plus intéressante, mais elle est aussi la plus défigurée par les reconstructions. Sous son aspect actuel, elle se présente comme une œuvre entièrement moderne, sur laquelle il ne vaut pas la peine de s'attarder; les enduits sont tout récents, les maçonneries nouvelles, les marbres rutilants et les cuivres étincelants. ...
Le grand Cloitre
On peut attribuer à deux époques différentes ce délicieux cloître à portiques et à galeries, comme le montre clairement l'architecture des deux étages. Le portique fut probablement construit à l'époque du grand élan de construction à Saint-Étienne, c'est-à-dire entre 1117 et 1140; la galerie de l'étage supérieur fut ajoutée ultérieurement entre le milieu du xne siècle et les premières décennies du xme. Dans le portique apparaît à l'évidence l'utilisation hâtive d'éléments récupérés, colonnes et portions de colonnes recueillis dans les ruines causées par le tremblement de terre; dans la galerie, on se trouve en face d'une exécution plus soignée, très travaillée, répartie dans le temps. Les quatre côtés du portique sont identiques, formés chacun de cinq grandes arcades closes dans le bas par un muret; celui-ci s'ouvre sous l'arcade centrale de chacun des côtés pour donner accès au petit jardin (aujourd'hui pavé) et au puits. Les supports des arcs aux angles et dans les arcades centrales, sont faits de maçonneries massives en brique sans aucune moulure ; mais une fois sur deux, dans les paires d'arcades, de part et d'autre de l'arcade centrale, la maçonnerie s'interrompt pour laisser la place à des supports en marbre. Ceux-ci (huit en tout) sont constitués sur deux côtés de courts troncs de colonne, sur les deux autres de faisceaux de quatre colonnettes, faites manifestement de sections de colonnes plus longues. On s'est complètement passé de bases et de chapiteaux : les colonnettes prennent appui dans le bas sur le muret, et rejoignent dans le haut le sommier des deux arcs contigus. ... A l'étage supérieur s'ouvre la galerie, qui s'étend uniformément sur les quatre côtés, composée de quatorze arcs par côté retombant sur des colonnettes jumelées d'élégante facture. Les chapiteaux sont eux-mêmes ouvragés et élégants. La plupart sont sculptés de feuillage et de volutes, de style quasi gothique; sur l'un des côtés - à l'Ouest - nous avons par contre des chapiteaux à figures grotesques : hommes accroupis qui tiennent dans leurs mains le haut d'une colonne et entre leurs genoux le haut de l'autre, ou autres inventions analogues, pleines de verve et sculptées avec aisance. ...
(extrait de : Emilie romane ; Sergio Stocchi, Ed. Zodiaque, Coll. La nuit des Temps, 1984, pp. 313-365)
Coordonnées GPS : N44.492208 ; E11.348844