Calouste Gulbenkian Museum, Lisbon, Portugal
Material: Tinta acrílica on canvas [Acrylic ink on canvas]
Collection: Particular[Private]
HERGÉ THE ART LOVER
"The art lover in him was always present, always alert. He went to the Carrefour gallery practically every day at lunchtime to have an aperitif, meet people, talk and debate... He would talk, listen, compare.
This is how he gradually became versed with the avant-garde movements and personally met many artists...
He couldn't live without being surrounded by quality objects and images."
SOURCE: FANNY RODWELL TO PHILIPE GODDIN, HERGÉ ET TINTIN REPORTERS, 1986 - ÉD. Du Lombard
Way before his personal encounter with modern art, Hergé had become informed about artistic movements of all origin and eras. Right from the start of his career at Le Vingtième Siécle, his newspaper brought the young man into contact with articles on painting and sculptures by his contemporaries, but also art movements of the recent and distant past.
The stories covered subjects as varied as pre-Columbian art, Van Gogh, Tutankhamun, Brueghel, Utrillo, Durer, Goya and Monet. Others introduced readers to museums such as the Cinquanteraine, the Musée des Beaux-Arts of Tournai, as well as exhibitions in Belgian galleries.
With the birth of The Adventures of Tintin and his network of friends and acquaintances, Hergé would constitute little by little a documentary image bank he could use to incorporate references to art movements in his work. Following his initiation to modern art in the Sixties, Hergé discovered the joy of private collecting and surround himself with art-woks that he fell in love with and hung on the walls of his home and at Studios Hergé.
MICHEL CARRADE BIOGRAPHY
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ENFANCE ET JEUNESSE
De 1923 à 1939, de nombreuses affectations de son père médecin militaire entraînent une scolarité en dents de scie dans divers établissements pour son fils aîné de quatre enfants, Michel. Il s’épanouit cependant dans la campagne tarnaise, lieu stable, durant les vacances, où il met en pratique son goût pour la nature, le bricolage (on le dit dans le patois local trafègue, ce qui signifie : « toujours en train de trafiquer un truc »), les découvertes et les apprentissages (entretiens avec Charles Juliet à France Culture dans la bibliographie ci-dessous). Il commence vers 7 ans (classiquement pour son milieu d'origine), l'étude du piano à Castres, dans le Tarn, avec Mlle Rivière, professeure diplômée du Conservatoire de Toulouse. Au cours de sa scolarité, il rencontrera à l'abbaye d'En-Calcat, puis chez les Frères des écoles chrétiennes de Rodez, des professeurs qui reconnaissent en lui des aptitudes pour la musique.
Vers 1939, Michel Carrade, qui a 16 ans, envisage une orientation possible vers l’étude du piano à l'École normale de Musique de Paris, dirigée par Alfred Cortot, son père ayant été muté dans la capitale. Mais la guerre bouleverse les projets familiaux : les meubles sont à Paris, la famille demeure à Albi par mesure de protection. Michel Carrade rencontre alors la peinture par l’intermédiaire d’une réfugiée de Lille, Mlle Marceline Boudin qui faisait des aquarelles de fleurs dans le jardin de sa grand-mère à Albi. Il s'essaye alors à de premières aquarelles figuratives, à partir de cartes postales, ou bien de la cathédrale d'Albi… ne trouvant pas cela trop difficile à réaliser et y prenant plaisir. En 1940, au lycée professionnel de Castres où il s'ennuie, il rencontre M. Houppe, directeur de l'établissement et peintre, qui l’encourage à peindre et le conseille. Premières peintures figuratives des environs de Castres. Il retrouvera ce M. Houppe, médaillé de l'Ordre des Justes et Maire de la ville de Castres après la Libération, qui continuera à le pousser dans la voie de la peinture.
En 1942 et début 1943, il est inscrit en architecture par son père à l'École des beaux-arts de Toulouse, où il a surtout comme professeurs d'élection Mr Espinasse et Mr Letaudy qui le confortent dans son attrait pour la peinture. Il découvre Van Gogh et remporte la Bourse de Voyage d’Étude du Premier Prix de l’Entraide des Artistes (5 000 francs qu'il emploiera à s'acheter des tubes de peinture…). Il rencontre aussi sa future épouse, Laure Jeangeorge Pierre, en 1942. Celle-ci (1925-2017) est une réfugiée vosgienne, orpheline de père, qui s'est arrêtée dans le Tarn durant l'exode de 1940 avec sa mère et son frère. L'année 1943 sera ensuite celle des Chantiers de jeunesse à Gap. Alors qu'il y est un élément peu participatif, il est cependant reconnu comme un original dont on peut employer les talents de "peintre décorateur et paysagiste", et c'est en croquant le refuge d'Orcières sur ordre de ses supérieurs qu'il rencontre le poète Gaston Puel qui était vaguemestre (ce n'est que dans les années cinquante qu'il le retrouvera par hasard dans le cercle castrais que formait autour de lui Paul Enjalbert, figure locale d'une certaine forme d'anticonformisme, qui regroupa nombre d'intellectuels des environs). En 1944, Il est affecté au titre de "travailleur pour le Ministère de la Production Industrielle" à Saint-Astier3 (Dordogne) dans une usine allemande souterraine de construction aéronautique, la SNCASO (ailerons arrière de Focke-Wulf Fw 190). Il trouvera le moyen de se faire renvoyer pour raison pseudo médicale. Il est muté ensuite au camp de la Glaudoune4 à Casseneuil5 dans le Lot-et-Garonne de juin 1945 à septembre 1945. C'est là qu'il rencontre le futur architecte Claude Parent, dont la famille habitait alors à Castelnaudary. Il le retrouvera à Paris lors de sa première exposition d'aquarelles à la galerie Arnaud en 1952.
Du 6 mars 1945 au 16 décembre 1947, s'étend sa période militaire (comme appelé et rappelé) sans toutefois être mobilisé durant toute cette période car "ayant satisfait ses obligations légales".
L'ABSTRACTION LYRIQUE
Peu après la Libération, il monte seul à Paris où il séjournera de manière rudimentaire dans un hôtel rue du Jour près des Halles. Par l'intermédiaire d'une de ses camarades des Beaux-Arts, Marcelle Dulaut6, tapissière et peintre, il rencontre le peintre Robert Lapoujade, originaire de Montauban comme elle, qui le conforte, lui aussi, dans sa vocation de peintre. Il fait aussi la connaissance de Michel Philippot, alors metteur en ondes à la radiodiffusion française, et qui restera parmi ses amis du côté de la musique durant longtemps. Après un court séjour dans les Vosges pour y retrouver sa future épouse, il redescend sans travail à Paris, puis dans le Sud-Ouest avec elle. Il se marie le 5 juillet 1945 à Lescout, petite commune du Tarn, où ses parents possèdent une belle et grande maison7 de campagne.
Il décide de s'installer à Paris en 1946, rue des Petites-Écuries, avec sa femme et leur premier fils, Jean-Baptiste, né en avril. Il découvre alors Cézanne, qui sera l'un de ses grands modèles et tous les peintres classiques, et explore goulûment tous les musées et galeries de la capitale. Pour subsister, il accepte un premier travail de quelques mois chez Plumereau, agence de publicité, où il dessine des étiquettes de bouteilles de vin. C'est en 1947 qu'il obtient sur travaux un poste de professeur suppléant de dessin dans les Écoles de la Ville de Paris. Il sera titularisé en 1949 et y travaillera jusqu'en 1955. En 1948, il s'inscrit au Centre National d'Enseignement par Correspondance pour y suivre un cours d'initiation à la philosophie. Durant cette période de l'après-guerre, il fait la connaissance, par l'intermédiaire de Robert Lapoujade, de Lucien Lautrec, peintre abstrait de l'École de Paris et il fréquente la plupart des peintres qui formeront le socle du mouvement de ce qui sera plus tard appelé l'École de Paris de l'après-guerre.
Dès cette époque, il se rapproche en même temps d'un groupe actif de peintres (dont Maurice Garrigues) qui se réunit à l'Atelier 7 à Castres dans le Tarn, où il rencontrera Christian d'Espic, Paul Enjalbert, Maurice Laboye8, Jacques Villon, Hans Bellmer et d'autres.
En 1952, il entre à la Galerie Arnaud, 34, rue du Four, à Paris. Il y fait peu après une première exposition monographique d’aquarelles. Cette galerie soutient, avec le concours du peintre John-Franklin Koenig, le mouvement de l'abstraction lyrique. Il y exposera ensuite régulièrement jusqu'en 1963. Cette galerie est dirigée par Jean-Robert Arnaud qui est par ailleurs directeur de la revue Cimaise, fondée en 1952, dans laquelle paraîtront des articles consacrés à Michel Carrade.
En 1953, il remporte par ailleurs le concours d’affiches du Carnaval d'Albi. C'est en 1954 que naît son second fils, Christophe (décédé en 2015 à Toulouse), et que Robert Lapoujade le fait entrer comme enseignant à l’Académie populaire d’arts plastiques dont le directeur est Lucien Lautrec (d'abord rue Frochot, puis au 10 rue Tournefort) sous l’égide de l’Éducation nationale (jusqu’en 1958, puis il y reviendra durant l'année 1965). Ce même Robert Lapoujade qui lui fait connaître l'École alsacienne, rue d'Assas, où il entrera en 1954 comme professeur d'enseignement artistique. Il y restera jusqu'en 1975. On peut noter aussi que c'est à cette époque qu'il rencontre Paul Virilio qui tient alors une galerie rue de Buci (qui n'est référencée nulle part) et qui l'exposera avec d'autres durant la courte vie de cette galerie. Virilio ayant une formation de maître-verrier, il conçoit dans son atelier un vitrail qui a été déposé à l'ancien Musée du vitrail de Strasbourg, et plus tard, vers 1960, un autre qui se trouve dans la Chapelle de Jésus Travailleur à Bruxelles (St Gilles).
Lors des congés d'été de l'Éducation nationale, il travaille à la campagne dans la grande maison familiale située à Lescout, près de Castres où, durant les réunions de réflexion qui se formaient autour de Paul Enjalbert (qui aura une grande importance pour lui et sa femme), il fera la connaissance en 1955 de Jean Guiraud, lui-même originaire de cette ville, et professeur à l'Institut Saint-Luc de Bruxelles où il enseigne l'esthétique. Ce dernier viendra travailler durant quelques étés les prémisses de sa future théorie du champ pictural dans l'atelier de Michel Carrade, et au contact de Charles-Pierre Bru [archive]9, philosophe, qui réside non loin de Castres à Fontiers-Cabardès et réfléchit lui aussi sur la question de la mesure colorimétrique d'une œuvre picturale aboutie.
Pour Michel Carrade, cette période des années cinquante est fertile en recherches et contacts avec nombre d'amis et de relations qui s'efforcent activement de comprendre les raisons de cette peinture renouvelée si vigoureuse. « S'il partage sa vie parisienne et laborieuse entre son atelier et un établissement scolaire, il ne mélange jamais ses pas. Et cette vie épuisante qu'il coupe, en été, d'un séjour dans le Languedoc, est soudainement rayée au contact d'une lumière différente. Le peintre se plaît à renouer avec une existence rurale, un calme végétal, des amitiés qui lui sont chères. Il retrouve un atelier nu et s'acharne contre cette nudité qui est un peu la sienne : il peindra des nuits entières pour réchauffer, comme il dit, ce vaste et haut grenier afin qu'il devienne une cellule où l'on fabrique du soleil » (Gaston Puel)10.
Durant cette période, il expose souvent à l'étranger dans des Salons ou des expositions de groupes.
Les années soixante ne seront pas moins actives. En 1960, le philosophe Jean Grenier, qui a lu Michel Seuphor11 et J.C. Lambert12, et qui s'intéresse à ce mouvement des jeunes artistes parisiens, écrit à Michel Carrade pour convenir d'une émission à la radio avec seize autres peintres abstraits. Cet entretien à la RTF (ainsi que les autres) sera publié en 1963 chez Calmann-Lévy13 après relecture par chacun des entretiens diffusés.
En 1963, Michel Carrade entre à la Galerie Jeanne Bucher (jusque dans les années 1980) sur invitation de son directeur d'alors, Jean-François Jaeger. Il y fait une première exposition monographique qui s'avère tout aussi prometteuse que celles de la Galerie Arnaud (qu'il est alors obligé de quitter), et qui amène d'autres participations à l'étranger et en France, tandis que Jean Guiraud œuvre de son côté pour faire connaître Carrade en Belgique. N'ayant pas du tout perdu le contact avec Claude Parent, Carrade lui fera connaître Paul Virilio14 et, avec le sculpteur Morice Lipsi, il se trouve embarqué dans l'aventure d'Architecture Principe [archive], mouvement qui prône par l'intermédiaire de sa revue éponyme (et d'interventions et de réalisations architecturales diverses de Parent et Virilio) un principe d'obliquité pour une architecture qui favorise les circulations (au lieu de les traumatiser par les verticales heurtant les horizontales). Ce groupe se nommera Architecture oblique. Ceci est cité, entre autres, par Roger Taillibert dans son discours du 15 mars 2006 pour la Réception de Claude Parent à l'Académie des Beaux-Arts (Section Architecture)15
L'écrivain Charles Juliet, qui a lu le livre d'entretiens que Jean Grenier consacre à dix-sept Peintres non-figuratifs16, sollicite une rencontre avec Michel Carrade en 1966, et ce sera le début d'une longue amitié qui s'accompagnera de réalisations communes répertoriées dans la bibliographie ci-dessous. Notamment une série de cinq émissions sur France-Culture en 1983, riches de renseignements biographiques et de précisions personnelles sur son métier par le peintre.
C'est en 1967 qu'après y avoir postulé sur les conseils de Lucien Lautrec, Michel Carrade est nommé sur travaux avec approbation d'André Malraux, ministre de la Culture, professeur à l'École nationale supérieure des beaux-arts, section Architecture (U.P.6) de Paris, puis détaché à l'École nationale supérieure d'architecture de Paris-La Villette17 (jusqu’en 1981). En 1969 et 1970, il est par ailleurs chargé de cours à l'U.E.R d'Esthétique et des Sciences de l'Art à Paris-Sorbonne. C'est aussi une époque où il donne un certain nombre de conférences, notamment autour de l'exposition organisée par l'École alsacienne, Du jeu au signe (cf infra).
« Entrer dans la couleur comme dans un bain »[modifier | modifier le code]
Nappe d'espace no 1
Deux ans plus tard, la Galerie Jeanne Bucher convient d'une exposition Michel Carrade au Canada, à Montréal en 1969, à la Galerie de Montréal. Jean Guiraud, qui est alors maître de conférences en esthétique à l'Université catholique de Louvain-la-Neuve, rédige la préface du catalogue de cette exposition18, et nomme pour la première fois une toile de Carrade Nappe d'espace (elle deviendra par la suite Nappe d'espace no 1) pour signifier une évolution radicale dans la peinture de celui-ci, ce que confirmera le peintre lors d'une conférence avec projections qu'il donne à l'Université de Montréal en novembre 1969. "Dans l'exposition que j'ai faite à Montréal, les formes avaient disparu de mes toiles. Elles étaient toutes composées de bandes plus ou moins larges, plus ou moins fluides, qui se liaient entre elles par des passages nets, à joints vifs, ou qui se modulaient à l'aide de fondus, de glissements des formes les unes dans les autres. J'avais admis une fois pour toutes que la toile était rectangulaire ou carrée et qu'il fallait faire avec. Et que la nouveauté ne viendrait pas d'un nouveau support, mais de la mise en tension du support qui le ferait oublier; d'un type d'action qui conduirait le regard dans une dimension autre." (Entretiens avec Charles Juliet sur France-Culture, décembre 1983)
Ce passage à Montréal conduit Michel Carrade à faire escale à New York chez des amis américains pour y découvrir avec éblouissement comment des peintres comme Mark Rothko ou Jackson Pollock affrontent directement le geste, la matière et la couleur dépouillés de tout sentimentalisme. "À Montréal, quand je vis mes peintures sous une autre latitude, sur un autre continent, je les trouvais tendres, sentimentales (j'avais l'amour de Bonnard et de la tradition méditerranéenne, ma sensibilité en était imprégnée). Je trouvais que ces toiles n'étaient pas éloquentes, qu'elles étaient timides et trop murmurées par rapport à ce que je pressentais. C'est-à-dire par rapport à la possibilité qu'elles avaient de devenir des sources d'énergie. Le Canada, puis New-York m'impressionnèrent beaucoup et m'aidèrent ainsi à préciser mon parcours. Désormais je traiterai la couleur comme une énergie, dans sa vibration optimale, délivrée de toute anecdote. Dans les tubes de couleur était concentrée une énergie fabuleuse qu'il fallait faire flamber." (Entretiens avec Charles Juliet sur France-Culture, décembre 1983)
De fait, les toiles Nappes d'espace annoncent un tournant décisif dans l'œuvre de Michel Carrade qui va de plus en plus se tourner vers le travail sur la lumière qui procède de l'équilibre exact des couleurs en tension puissante dans une toile. Il abandonne alors les concepts de l'abstraction lyrique pour s'orienter vers des formes épurées de peinture qui captent l'énergie lumineuse. Jean Guiraud écrit dans le catalogue de l'exposition19: « Beaucoup croient que la couleur relève du sentiment. Elle est cependant ce que la peinture a de plus physique. Des longueurs d'onde, des luminosités ou des saturations sont des composantes physiques. Jointes aux surfaces - c'est-à-dire aux largeurs des bandes colorées ce sont les seuls termes que cette peinture met en relation. Peindre, c'est cela: mettre en relation. Non pas des couleurs, comme il semblerait, mais des différences, ou des intervalles entre les couleurs. Il s'agit pour le peintre de tendre l'intervalle - jusqu'à la vibration. De s'accorder alors, de s'identifier à cette vibration pour la déployer et l'unifier sur la toile. Mais aussi, pour Carrade, de la réverbérer, de nous la renvoyer de façon si directe, si dense, si frontale, que nous en soyons traversés. Peu de peintures ont autant le pouvoir d'irradier l'espace de ce bienfaisant rayon blanc dont parlait Vincent à Théo : A toi je dis, cherche le rayon blanc, mais "blanc", entends-tu ? Ces œuvres sont là pour nous le livrer »
Michel Carrade coorganise aussi de décembre 1968 au premier trimestre 1969 (avec Albert Chaminade et Brigitte Le Caisne20), l’exposition Du Jeu au Signe (L'expression artistique à l'École alsacienne) au Musée d'Art moderne de Paris qui rencontre un grand succès dû à l'inventivité dans la pédagogie du dessin et du geste graphique qu'elle propose. Ce succès favorisera une tournée de l'exposition (à Caen, au Havre, à Amiens, à St Étienne, à Toulouse, à Noisy-le-Sec, à Sceaux) et de nombreuses conférences associées de Chaminade et Carrade « (…) Dans ce rôle signalisateur, l'art moderne revêt l'apparence d'un miroir à facettes multiples qui réfléchissent toutes les pulsions créatrices. Chaque moment inscrit son propre reflet dans le miroir, chaque événement y dépose une marque éphémère ou profonde... Dans le cheminement d'une expression en continuel devenir, un langage se fait. En cela, l'art contemporain est une pédagogie vivante, parce qu'il exprime des attitudes, des remous et des comportements d'hommes vivants dans une société. II condense en signes des pensées neuves, aussi bien individuelles que collectives. Il traduit des courants contradictoires, et stimule leurs affrontements. Il polarise les moments d'inquiétude, de passion ou de révolte. Il inventorie, il prospecte, et a parfois valeur prophétique et initiatrice. Devons-nous, dès lors, tenir les enfants à l'écart de ce réseau créatif et, par souci d'objectivité, devons-nous les maintenir dans un attentisme prudent, dans des formes d'expressions anodines ou sclérosées, dépouillées de relations, de fonction, d'opportunité, par rapport à la vie contemporaine, et souvent nostalgiquement orientées vers un passé irréversible que notre engagement ne peut plus marquer? Ou bien accepterons-nous de les rendre participants au présent, en leur fournissant, dès leur jeune âge, les moyens d'identifier ces signes qui s'inventent, les moyens d'en imaginer eux-mêmes, et les faisant accéder, par là, à la communication et au choix ? »21
En 1974, il fait construire sa maison conçue par son ami Claude Parent dans le Sud-Ouest. Celle-ci, outre son style oblique, est organisée par rapport à l'atelier qui en constitue la pièce maîtresse, et est inscrite à l'Inventaire du patrimoine architectural français depuis 200522. Claude Parent écrira en 2005: « J'ai construit sa maison à l'ouest de Toulouse, ou plutôt dessiné, car c'est lui qui l'a réalisée, à la main, tout en briques creuses, avec un seul ouvrier. On est loin de la baraque en série. Il m'a présenté à Paul Virilio. J'aime sa peinture. Quelquefois, il a intégré des œuvres dans mes bâtisses; ça marche. Mais pour moi, son titre de gloire est d'avoir développé dans une U.P. d'architecture, pendant des années, la sensibilité des élèves architectes, ce qui n'était pas un mince problème dans une école où on s'est ingénié pendant des décennies à séparer les arts et l'architecture. Avec sa moustache (pas franchement gauloise), son franc-parler rugueux, ses textes sublimes et son physique de faux paysan nature, cet artiste de 80 ans peint comme un furieux et, en ce moment même, dessine et redessine, peint et repeint sans cesse le seul arbre planté face à son atelier pour revenir aussitôt à ses rayures verticales chargées d'énergie explosive. Les jeunes architectes qui l'ont connu ou ont fait sa connaissance craquent devant lui »23. Emporté par son amitié enthousiaste, Claude Parent oublie que cette maison fut aussi construite par une équipe de maçons locaux, et à l'est de Toulouse précisément et joliment à Saint-Germain-des-Prés, dans le Tarn.
Le 9 décembre 1982, sur proposition du Ministre Quillot de l'Urbanisme et du logement, il est nommé au grade de Chevalier dans l'Ordre des Palmes académiques par Alain Savary, ministre de l'Éducation nationale.
En novembre 1988, le peintre écrira pour une autre exposition cet extrait de texte repris en 1996: « Avant 1968, ma peinture jouait sur des relations de forme qui se jouxtaient, se heurtaient ou fusionnaient par des effets de matière, d’épaisseurs fortement spatulées ou de pâtes fluidiques, même très liquides posées en glacis qui m’obligeaient à peindre à plat sur le sol. Les liaisons et les transitions se faisaient alors par des cernes noires et la plupart de ces peintures s’articulaient sur une dualité opposant graphisme et plages colorées. Le graphisme y tenait un rôle de ligature fixant l’écart des tensions colorées ; le pouvoir déflagrant des charges de couleurs vives cerclées par le lien graphique constituait essentiellement l’intention picturale de cette période. J’affrontais l’antagonisme d’une coexistence, celle du désaccord dans l’accord et remarquais que ces tensions précipitaient l’ouverture d’un champ spatial. C’est en 1969, à l’occasion d’une exposition que je fis à Montréal et préfacée par Jean Guiraud sous le titre Nappes d’Espace qu’une étape importante est franchie : je libère ma peinture de tout signe ou élément graphique et mets en place une nouvelle structure formelle à partir de vastes plages verticales qui tissent entre elles des passages et des intervalles plus ou moins nets, se modulant les uns les autres dans des nuances et des fluidités de matière qui évitent la sécheresse des aplats. Je choisis d’exprimer la couleur par sa seule présence physique et immédiate délivrée des choses et de l’anecdote. La matérialité des pigments étant le seul repère, la seule référence pouvant être citée dans la surface de la toile. C’est le rectangle qui désormais figure, qui est lieu et forme concentrée de la peinture. Je comprends que s’il devait y avoir évolution ou transgression, elles ne viendraient pas d’un rapport nouveau mais d’une nouvelle mise en tension du support »24.
En 1983, Roger Fatus [archive] l'engage (jusqu’en 1988) comme professeur d'arts plastiques à l’École Camondo de Paris dont il est le directeur. Il est toujours professeur aux Beaux-Arts (U.P.6) de Paris-La Villette. Il y fera une exposition en 1989.
La maturité[modifier | modifier le code]
En 1989, il déménage avec son épouse dans leur maison du Sud-Ouest. Un transfert de poste le déplace comme professeur de dessin (de première catégorie) à l’École d’architecture25 membre de l'Université de Toulouse II - Le Mirail (jusqu’en 1991). C'est dans cette Université que son ami Jean Guiraud (qui deviendra, lui, professeur à Louvain) se rendra le 10 avril 1996 pour prononcer une conférence à l'initiative de Bertrand Meyer Himoff [archive] sur l'œuvre de Carrade. Cette intervention constitue le texte qu'il publiera en 2004 chez Didier Devillez éditeur26 à Bruxelles, L'énergétique de la couleur, réflexion sur l'œuvre de Michel Carrade27.
Les années qui suivent seront celles de ses hobbies de longues dates (photographie, astronomie28…) et d'un intense travail solitaire (dessins, gouaches, gravures, pochoirs, aquarelles, peintures) sur sa colline dans la campagne tarnaise, ponctué par des expositions essentiellement en Belgique et dans le Sud-Ouest. En septembre 1991, il prend sa retraite de l’enseignement. Il a alors 68 ans. Il se consacrera à son œuvre ensuite, tout en continuant d'exposer régulièrement dans sa région (Toulouse, Albi, Tarbes…) et en conservant des contacts en Belgique, mais aussi de nouveau à Paris et en Bretagne à partir de 2018 (grâce à Françoise Livinec). Il participe aussi aux publications répertoriées dans la bibliographie ci-dessous.
Il vécut dans sa maison jusqu'au 22 juin 2021. Il mourut dans son sommeil durant la nuit du 4 septembre 2021 des suites d'une dégénérescence neurologique associée au développement d'un cancer tardif.
En 2000, il exposa à New York, au Bateau Fou de Roseline Koener. On peut lire ceci de sa plume dans le catalogue de l'exposition: « I Would like to make paintings that are nothing but radiance and vibration. Painted rectangles that pulse… Qualities of different vibratory modulations, which would be the result (the outpouring) of an emerging wave, a harmony (finally)- captured and set down there in the painting » (J'ai pensé souvent à des peintures qui ne seraient que cela: rayonnement. Vibration des rectangles peints qui pulsent. Des qualités de modulation vibratoire différentes, qui seraient l'aboutissement (le jaillissement) d'une onde qui surgit, d'un accord (enfin) recueilli, gardé là dans le tableau.).
SOURCE: WIKIPEDIA, THE FREE ENCYCLOPEDIA