Vernou-en-Sologne (Loir-et-Cher)
Le château de la Borde, de belle architecture classique, a été édifié vers 1645-1650, pour Guillaume de Flandres*.
Il comporte un corps central de six travées entre deux pavillons. La pièce lambrissée, attribuée à Jean Berain (1687-1688), a été ramenée au début du XXe siècle de l'hôtel de Mailly à Paris.
Les communs sont regroupés autour d’une cour carrée, et la métairie un peu plus loin.
Au milieu d’un grand parc un canal de 400 m relie le château au village.
Le château a été peu modifié, mais son environnement a évolué avec les modes jusqu'au XIXe siècle (parc paysager).
Au XXe siècle, une galerie a été ajoutée au rez-de-chaussée.
Aujourd'hui, le château est la propriété d'une société civile, spécialisée dans le secteur d'activité de l'administration d'immeubles et autres biens immobiliers.
Au 18ème siècle, l'ergotisme* faisant rage en Sologne, la châtelaine de la Borde soigne avec dévouement les ergotés qui viennent la voir au château.
Un médecin Orléanais écrivait en janvier 1748:
"J'ai vu le 27 octobre dernier (horrifis referens), douze pauvres misérables Solognots ergotes, c'est-à-dire attaqués d'une gangrène causée par l'ergot. Le Chirurgien-Major amputa sur le champ deux jambes au-dessous du genou, sans avoir besoin de tourniquet. Ces jambes étoient tellement sphacélées et disséquées par la pourriture qu'il en exhaloit une odeur qui pensa nous suffoquer. Je puis vous assurer qu'il n'est point de spectacle plus affreux... Quelques jours auparavant on avoit coupé une jambe qui fourmilloit de vers." (Mercure de France, janvier 1748. Cité par RÉAD, Traité du seigle ergoté, Strasbourg, 1771)
"Salerne*, au cours d'une enquête menée en Sologne sur tout ce qui touchait à l'ergotisme, était entré en relations avec une châtelaine qui s'acquittait avec conscience des obligations de charité que lui conférait sa situation sociale. Cette «demoiselle d'esprit et de mérite», au jugement de cet auteur, se consacrait «entièrement au bien des pauvres» et demeurait «au château de la Borde-Vernoux proche Romorantin, où cette maladie est des plus fréquentes. Elle confiait au médecin Orléanais :
Ceux qui me viennent trouver dès le commencement, je les fais d'abord saigner une fois ou deux... Ensuite je leur fais envelopper la partie malade avec un linge trempé dans de l'eau-de-vie et du beurre frais, après quoi je les fais frotter d'un baume rouge dont voici la composition : il faut prendre trois livres d'huile d'olive, trois demi-setiers de vin, une livre de thérébentine lavée dans l'eau-rose, une demi-livre de cire jaune et deux onces de santal rouge, ensuite je les purge et ils sont guéris.
Si la gangrène était plus avancée, la châtelaine utilisait « une eau composée de 4 onces d'alun calciné, 3 onces de vitriol romain et 3 onces de sel, le tout bouilli dans deux pintes d'eau réduites à une». Et, confiante dans sa thérapeutique, elle concluait : «je peux dire que ceux qui perdent leurs membres c'est par leur faute». Salerne préconisant ce traitement, la plupart des auteurs suivants le reprirent à leur compte. Il se substitua au traitement habituellement suivi à l'Hôtel-Dieu d'Orléans, plus classique puisqu'il faisait appel à des remèdes aux vertus quasi universelles selon les traités de médecine et de pharmacie du temps : la saignée et l'absorption de thériaque." (Cité par Revue d'histoire moderne et contemporaine 1954)
*Vente de la justice de Vernou par François de Johanne de la Carre de Saumery à Guillaume de Flandres, seigneur de la Borde, 6 septembre 1647, acte Cousinet et Gallois-Paris ; Autre commission de Sa Majesté du 9 novembre 1652 pour l’exécution de l’arrêt du 28 juin 1647. Chapelle. (Promethée)
*L'ergotisme, Le mal des ardents, ou feu de Saint-Antoine, ou feu infernal, ou encore feu sacré, causa, depuis le Moyen-Âge, la mort directe de centaines de milliers de personnes. D'autres furent brulées ou exécutées sur la place publique car considérées “possédées” par le diable.
L'ergotisme était provoqué par un champignon parasite du seigle, mais aussi du froment et de l'orge : l’ergot de seigle. L'ergotisme, débute ordinairement par des troubles du psychisme marqués par des « assoupissements et resveries ». « tous ces malades sont hébétés et stupides et la stupeur augmente à mesure que la maladie fait du progrès ». "Les corps étaient ensuite cruellement atteints, affligés d'une gangrène sèche, noire et livide, qui commençoit toujours par les orteils, se continuoit plus ou moins, et quelquefois gagnoit jusqu'au haut de la cuisse... A quelques-uns la gangrène se séparait naturellement, et sans qu'on eût rien fait".(Divers médecins de l'époque)
*François Salerne est un médecin et un naturaliste français, né vers 1705 et mort le 29 mai 1760 à Orléans.